Dans un contexte de mutations technologiques accélérées, la reconversion professionnelle est aujourd’hui un défi majeur pour les organisations productives. Mais une étude menée en 2025 par la Fondation The Adecco Group (1) révèle à cet égard un paradoxe saisissant : alors que 89 % des DRH anticipent des changements décisifs à court terme dans leur entreprise, et qu’autant de salariés sentent que leur vie professionnelle va connaître de profonds changements, les freins opérationnels restent considérables en matière de reconversion. Entre intentions stratégiques et réalité du terrain, comment les entreprises peuvent-elles transformer cette nécessité en atout concurrentiel durable ? Retour sur les principaux résultats publiés par la Fondation The Adecco Group, en partenariat avec l'ANDRH (1).
Favoriser la reconversion des salariés : un enjeu de compétitivité et d’inclusion
8 % des emplois pourraient disparaître d’ici 2030, selon le Forum économique mondial (2), sous la poussée de nombreuses mutations déjà à l’œuvre au sein des organisations, et largement identifiées par leurs DRH selon l’étude de la Fondation The Adecco Group. En tête, les transformations technologiques liées à l’automatisation et l’intelligence artificielle, qui représentent pour eux le principal catalyseur de transformation d’ici 5 ans. Si cette révolution concerne plus particulièrement les tâches cognitives (analyse de données, aide à la décision, traitement textuel, soutien à la formation), elle impacte en cascade les différentes fonctions productives de l’entreprise dont de nombreux métiers sont déjà en progressive redéfinition. Une dynamique qui se déploie en parallèle d’autres enjeux, dont les tensions démographiques qui pèsent sur l’équilibre du marché de l’emploi.
Dans ce contexte, la reconversion professionnelle se présente comme un puissant levier d’acquisition et de rétention de compétences, permettant de :
- développer l’employabilité interne, notamment en matière de métiers en tension ;
- anticiper l’allongement des carrières professionnelles ;
- éviter les stratégies souvent coûteuses de « dérecrutement-recrutement externe », pourtant encore pratiquées à défaut de solutions internes par 75 % des RH participant à l’étude ;
- faire rayonner une marque employeur et une culture d’entreprise attentives à la formation et à la montée en compétences.
Mobilité interne via la formation ou recrutement durable de compétences sur mesure : Adecco accompagne les entreprises de toute taille et de tout secteur d’activité, pour penser avec elles le futur du travail et s’engager dès maintenant dans la définition de stratégies d’emploi innovantes.
Et si on en parlait ?
Un constat partagé, mais encore paré d’hésitations
Les mutations en cours sont d’autant plus complexes à saisir qu’elles ne sont pas linéaires et pâtissent encore de larges incertitudes. Conséquemment, 45 % des RH interrogés admettent ne pas savoir encore estimer quel volume de postes sera concerné à court terme par une transformation. Et moins de la moitié des professionnels dit disposer des moyens suffisants pour engager dès maintenant une veille stratégique sur le sujet…
Un flottement qui peut participer à accentuer l’inquiétude des actifs, dont 40 % disent craindre les incertitudes actuelles qui entourent le marché du travail et leur métier. Pour autant, 88 % s’estiment en capacité d’évoluer, et 84 % envisagent la reconversion comme une étape normale dans le parcours professionnel d’aujourd’hui, de moins en moins linéaire.
Des freins organisationnels et culturels à la reconversion professionnelle, qui restent à lever
Malgré ces prises de conscience, comment expliquer l’investissement encore insuffisant des entreprises françaises dans la dynamique de reconversion professionnelle ? Parmi les principaux écueils internes évoqués :
- le manque de financement (40 %) malgré l'existence de dispositifs d'aide jugés complexes à activer ;
- les difficultés à envisager les passerelles entre métiers (34 %) ;
- l’impact sur la gestion des effectifs (32 %) : organisation, temps de travail, plannings, etc. ;
- les résistances managériales encore présentes (29 %) vis-à-vis de la mobilité professionnelle comme intersectorielle.
Les réticences des collaborateurs eux-mêmes font aussi partie des freins rencontrés : crainte de perte de salaire, peur de ne pas être au niveau, deuil difficile de leur métier actuel… Si 77 % des actifs interrogés voient la reconversion comme une opportunité, ils la considèrent comme une étape potentiellement difficile (71 %) dans laquelle ils souhaitent être accompagnés par les entreprises et les acteurs de l’emploi.
Renforcer la culture de la transition professionnelle tout au long de la vie : quels leviers ?
80 % des RH sondés ont à ce jour déjà accompagné au moins une reconversion ou départ volontaire pour reconversion, mais il s’agit de pratiques encore très individualisées, conduites dans une logique d’ajustement ponctuel plus que d’une stratégie anticipatrice. Une dynamique que réussissent toutefois à enclencher plus facilement certains profils d’entreprises :
- les grandes structures, davantage acculturées à la GEPP (Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels) ;
- les domaines d’activité soumis aux problématiques d’usure professionnelle, contraints de mettre en œuvre des solutions en réponse à l’allongement des carrières ;
- les entreprises positionnées sur des marchés innovants, en quête de compétences rares qu’elles façonnent ainsi sur mesure ;
- les acteurs souffrant d’un manque de talents, la pénurie jouant comme un déclencheur efficace qui change le rapport à la reconversion.
S’appuyer sur les ressources des réseaux d’acteurs locaux dans le domaine de l’emploi formation (OPCO, collectivités, agences d’emploi, cabinets de recrutement…) est aussi un puissant facilitateur, à ne pas négliger. Ces expertises collaboratives extérieures, sectorielles et/ou intersectorielles, sont en effet déterminantes pour développer une culture d’entreprise apprenante, structurer de façon proactive une politique de transfert de compétences, et valoriser les parcours de reconversion en tant qu’élément à part entière de gestion prévisionnelle.
(1)
Reconversions et transitions professionnelles : comment les accompagner dans un monde du travail qui se transforme ? Étude réalisée en juin 2025 par l’IFOP, pour la Fondation the Adecco Group en partenariat avec l’ANDRH (volets quantitatifs menés auprès de 997 actifs en poste ou en recherche d’emploi, et 94 directeurs ou responsables de ressources humaines).
(2) Forum Économique Mondial,
Future of Jobs Report 2025.